Interview Michel Delpon - Président Club Vision Hydrogène - Ambassadeur Hydrogène France 2030 L’hydrogène renouvelable - L’énergie verte du monde d’après
Depuis le 1er septembre, Michel Delpon a rejoint les 90 personnalités qualifiées, désignées par l’État pour accompagner le déploiement du plan d’investissement France 2030 en tant qu’expert et ambassadeur.
Député, Michel Delpon a consacré son mandat au développement national et européen de l’hydrogène, en créant un groupe d’étude à l’Assemblée Nationale, qui a permis de faciliter le déploiement de cette molécule prometteuse. C’est ainsi qu’il a fondé le Club Vision Hydrogène.
Pour accélérer la filière, vous avez créé le Club Vision Hydrogène, « un réservoir d’idées et un catalyseur d’actions sur l’hydrogène renouvelable », Comment est née cette idée ?
M.D Cette idée est née d’une nécessité pour fédérer les acteurs de l’hydrogène, encourager les technologies et aider les entreprises à se développer pour faire de la France un leader.
Vous avez été nommé Ambassadeur France 2030 le 1er septembre, quels sont vos objectifs ?
M.D Je me réjouis de l’engagement de l’État en faveur de l’innovation de rupture et, par mon action en tant qu’ambassadeur France 2030, je vais contribuer au développement de la filière Hydrogène.
L’objectif est de répondre aux grands défis de la Transition Énergétique, accélérer le déploiement de l’hydrogène vert. Aujourd’hui, en réponse aux enjeux sociétaux, France 2030 propose une nouvelle logique d’investissement avec un budget de 51 Md d’Euros et s’impose ainsi comme un véritable plan d’innovation industrielle dont l’hydrogène fait partie, il est l’un des principaux objectifs pour la décarbonation. Ce plan suit 10 objectifs pour mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire à l’horizon 2030. L’exigence est forte car aucun des projets financés ne devra porter atteinte à l’environnement, 50% des dépenses devront par ailleurs être fléchées en faveur de la décarbonation et 50% à destination d’acteurs émergents. La cop 27 vient, elle aussi, de démontrer l’urgence de trouver des solutions pour atteindre zéro émission pour 2050. Les deux crises ont mis en exergue les solutions dont fait partie l’hydrogène. Enfin, La décarbonation est un point essentiel de la stratégie de la politique gouvernementale pour aller vers la souveraineté économique, la décarbonation de l’industrie et de la mobilité.
France 2030 ambitionne de faire émerger les champions français dans le domaine de la recherche et de l’industrie pour accompagner les grandes transitions dans des secteurs stratégiques, avez-vous déjà quelques exemples ?
M.D Tout à fait, la France a la chance d’avoir des leaders industriels et des entreprises dans le domaine de l’hydrogène, il faut les aider à se développer, soutenir les compétences pour faire émerger les futurs champions technologiques de demain et accompagner les transitions de nos secteurs d’excellence dont l’énergie fait partie.
Concernant la filière hydrogène, il y a des acteurs très engagés,
Nous pouvons citer le groupe Air Liquide et son projet en Normandie, avec la construction d’un électrolyseur Normand’Hy de 200 MW (en 2025), pour produire un hydrogène vert sans émission de carbone.
Il y a aussi des Joint- ventures, par exemple, la société Genvia (Schlumberger, Vicat et Vinci) qui vise la technologie d’électrolyseur à oxyde solide pour produire l’hydrogène décarboné, ou Hyvia (Renault et Plug Power) qui propose un écosystème complet et unique de solutions de mobilité H2, allant de la production à la distribution.
Enfin il y a des jeunes entreprises avec des compétences avérées et des projets opérationnels, comme Lhyfe, entreprise nantaise, créée en 2017 par Mathieu Guesné, qui est producteur et fournisseur d’hydrogène 100% renouvelable et local, dont la première unité de production a ouvert en Vendée en septembre 2021.
Mais aussi McPhy Energy qui assure également la production d’hydrogène sur site avec ses électrolyseurs et qui, grâce à sa gamme complète de stations hydrogène McFilling permet aux collectivités, entreprises, constructeurs ou gestionnaires de parcs automobiles / flottes de bus, d’initier efficacement une première infrastructure de recharge hydrogène.
L’engagement dans la mobilité hydrogène fait sens, avec de nombreux projets,
notamment avec une première mondiale en Allemagne : Une flotte de quatorze trains à hydrogène, fournis par le groupe français Alstom à la région de Basse-Saxe, qui circule désormais sur une centaine de kilomètres, reliant plusieurs villes, qu’en est-il de l’industrie ?
M.D On a beaucoup parlé de la mobilité : voitures, bus, avions, bateaux, chariots élévateurs, mais l’industrie va devoir s’y mettre également, la décarbonation de l’industrie sidérurgique est un sujet important, en remplaçant l’hydrogène gris (produit à partir de gaz naturel) par l’hydrogène vert, utilisé pour leurs procédés de transformation, les aciéries et les cimenteries pourraient ainsi réduire leurs émissions de CO2. Il est primordial de décarboner la production de ciment et d’acier, utilisés massivement, car les industries qui les fabriquent sont parmi les plus polluantes au monde.
Un autre sujet important concerne la décarbonation des engrais azotés, la production par électrolyse de l’eau viendrait remplacer l’emploi des hydrocarbures fossiles utilisés par les fabricants.
Chiffres clés :
1 tonne d’acier consomme 780 kg de charbon. La production de l’acier et du fer rejette 2,6 milliards de tonnes de CO2 par an, soit 7% des émissions mondiales de CO2. La production de ciment rejette 2,3 milliards de tonnes de CO2 par an, soit 6,5% des émissions mondiales de CO2.
Soulignons quelques chiffres alarmants : il y a 50 000 morts en France par an à cause de la qualité de l’air, 400 000 morts en Europe et 6 millions dans le monde.
Quelles sont vos pistes d’action concernant la recherche ?
M.D Il faut investir dans la recherche et les technologies innovantes. Demain, on devrait pouvoir développer la capture du CO2 dans l’industrie et la méthanisation, les méthaniseurs vont produire de l’hydrogène. Il faut amplifier l’industrialisation de ces brevets pour réduire les émissions de gaz carbonique. En 2022 l’hydrogène décarboné pour l’industrie représente 5% du marché, soit 45 000 tonnes. Aujourd’hui l’industrie fait de l’hydrogène gris par vaporeformage à partir des énergies fossiles, ce qui représentait en 2021, 94 millions de tonnes en production mondiale, à passer en hydrogène vert.
Quelques mots pour conclure ?
M.D Il est primordial d’aller vers de nouvelles technologies, fournir les solutions les plus appropriées pour retrouver un équilibre de l’écosystème terrestre. Accélérer l’émergence, l’industrialisation et la croissance des start-up. France 2030 va permettre à notre pays d’être le mieux placé pour atteindre la neutralité carbone en 2050 selon les accords de Paris, et en même temps retrouver sa souveraineté économique et énergétique.